Au cours de ces dernières années nous avons assisté à un raccourcissement de la durée d’hospitalisation en maternité. Celui-ci a entraîné une augmentation de ré-hospitalisations néonatales, jusqu’à 10 voire 15 ‰ naissances, parmi les étiologies, on note l’ictère sévère.
« L’ictère : 1ère cause d’encéphalopathie évitable »
L’ictère néonatal est un symptôme de l’adaptation post-natale du métabolisme de la bilirubine. Une augmentation de la production de bilirubine par les globules rouges doit faire face à une élimination réduite, en raison de l’immaturité hépatique du nouveau-né.
Ce phénomène physiologique et transitoire peut être évolutif sur les 10 à 15 jours qui suivent la naissance. Si cette pathologie concerne 60 à 80% des nouveau-nés, elle doit faire l’objet d’une attention particulière car un ictère mal géré peut donner lieu à une complication dramatique : l’ictère nucléaire, 1ère cause d’encéphalopathie évitable.
Un dépistage rigoureux
Pour prévenir les hyperbilirubinémies sévères, il convient de coordonner un dépistage organisé afin d’identifier les nouveau-nés à risque d’ictère précoce. L’efficacité du dépistage passe par 3 points essentiels :
- D’abord une surveillance quotidienne de l’ictère à l’aide d’un bilirubinomètre Trans-Cutané. Deux mesures doivent être effectuées, en frontal et/ou sternal, avec la valeur la plus élevée retenue. Généralement, la valeur indiquée estime à +/- 35-50µmoles/L la bilirubinémie sanguines. La bilirubinémie trans-cutanée (BTC) obtenue est ensuite reportée sur un nomogramme de référence (Buthani) qui permettra de suivre l’évolution de l’ictère.
Si la valeur est supérieure au 75e - 95e percentile et/ou > 250 µmoles/L alors l’indication d’un prélèvement sanguin est envisagé pour déterminer la bilirubine totale, lui seul posera l’indication de photothérapie. En cas de traitement, le bilan est complété par une numération, groupe rhésus, coombs direct, CRP et bilirubinémie conjuguée.
Tout professionnel intervenant auprès de l’enfant peut rechercher un « reflet ictérique » mais attention, car il n’estime pas la sévérité de l’ictère et ne relève pas d’une grande fiabilité pour les nouveau-nés à peu foncée.
- Le dépistage passe aussi par l’identification des enfants vulnérables :
- Âge gestationnel < 38 SA
- Situation d’incompatibilité ABO
- ATCD ictère dans la fratrie
- Bosse séro-sanguine, ecchymose, céphalhématome
- Origine des grands-parents : Asie, Afrique, Antilles
- Allaitement maternel difficile
- Ictère précoce (< ou = 24 h)
- RAI maternelles positives
- ATCD hémolyse familiale
- Perte pondérale > 8%
- Tous les éléments de surveillance doivent être synthétisés pour adapter la prise en charge à la sortie de la maternité et les parents informés de la surveillance et des éventuels signes d’aggravation (Il existe une brochure, réalisée par la Société Française de Néonatologie, auxquels les professionnels peuvent recourir pour informer les parents).
Sortie précoce : oui mais…
Les conditions optimales de sortie précoce de maternité, recommandées par l’HAS, donnent lieu à des critères précis de nouveau-né à bas risque :
Nouveau-né à terme ≥38 SA, singleton, eutrophe
Un apgar > à 7 à 5 min
un examen clinique normal le jour de la sortie
une alimentation établie
Vitamine K1 donnée et dépistage néonatale organisé et tracé
L’absence d’ictère ou BTC <40e percentile
La 1ère visite suivant la sortie dans les 24h, une 2 e visite systématique planifiée selon l’appréciation du professionnel
En cas d’ictère, il est possible d’envisager une sortie précoce à condition d’assurer des mesures de sécurité optimales. Ceci repose sur la connaissance des facteurs de risque ainsi que sur le suivi de la courbe évolutive de l’ictère de l’enfant. En effet la cinétique du taux de bilirubine ne doit pas progresser plus rapidement que la courbe de référence.
De plus, le taux doit être inférieur au 75e percentile pour un nouveau-né > 35 SA, sans facteur de risque et pour un nouveau-né ≥ 38 SA, la valeur de la bilirubine totale doit se situer entre le 75e et 95e percentile. Le pédiatre et la sage-femme devront informer les parents de l’évolution de l’ictère et les sensibiliser sur les signes d’alerte (hypotonie, tétées inefficaces…) pour lesquels ils prendront avis auprès de personnes ressources indiquées par la maternité.
Quoiqu’il en soit, une consultation 24h après la sortie est recommandée avec un professionnel de santé qualifié disposant d’un matériel adapté et pouvant demander rapidement un avis spécialisé.
On n’oubliera pas de consigner l’évolution de l’ictère et pondérale, les examens réalisés, dans le carnet de santé et/ou la fiche de liaison pour une meilleure continuité du suivi entre le professionnel référent maternité et le professionnel référent suivi.
Sources : Danielsen 2010; Edmonsson MB 2007; Young PC 2013; Madden JM 2004
AAP. Pediatrics 2004 Maisels MJ et al. Pediatrics 2009 Maisels MJ. 2010
Ictère du nouveau-né. Stratégie dans le cadre des sorties précoces. P. Tourneux, A.Bedu, J.Renesme, J.Raignoux, P.Truffert, A.Cortey,pour la Société Française de Néonatologie.
HAS- Sortie de maternité après accouchement : conditions et organisation du retour à domicile des mères et de leurs nouveau-nés. Méthode recommandation pour la pratique clinique. Mars 2014.
® Pixabay/CC0