Quelles questions se poser à la fin de chaque section IMRad (Introduction-Matériels et Méthodes-Résultats-Discussion-Conclusion) ? Voici quelques clés pour guider les sages-femmes novices dans l'analyse d'articles scientifiques !
Avec Pierre Frémondière, enseignant sage-femme à l’école de maïeutique Marseille Méditerranée EU3M.*
L’introduction ou la "mise en bouche " de l'étude
Nous devons avoir l’impression, à la fin de la lecture de l'introduction, que le sujet étudié est d’une importance capitale : c’est la pertinence du sujet de recherche. Si à la fin de l’introduction vous vous demandez pourquoi le sujet de recherche proposé dans l’étude n’a jamais été étudié puisqu’il semble si pertinent, c’est que l’introduction est réussie et de qualité ! La pertinence du sujet passe par :
Son actualité : les articles qui décrivent l’état de la question sont récents (d’où l’intérêt, entre autres, de regarder les références citées en fin d’article)
Son impact en termes de santé publique : pour des sujets médicaux, préciser que l’on travaille sur un sujet où la mortalité/morbidité est importante apporte du poids. Lorsque l’on étudie des pathologies plus communes, mettre l’accent sur leur plus grande fréquence fait prendre conscience de l’importance au sujet.
Son impact scientifique : si aucun travail scientifique n’a jusqu’alors été réalisé sur ce sujet, alors celui-ci devient plus important.
Matériels et méthodes : critiquables ou pas ?
Avec la section « Discussion », ce sont finalement les seules sections qui sont véritablement critiquables.
Lorsque l’on aborde une question de recherche, on ne peut pas généralement appliquer la méthode idéale pour mener à bien notre investigation : on souhaiterait travailler sur de grands échantillons, représentatifs, sans perte de vue etc… Ceci n’est pas faisable pour des raisons pratiques, financières, éthiques… et impose à l’investigateur de faire des choix dans sa méthode. Ce sont ces choix qui sont critiquables (presque toujours). Pourquoi fait-il/elle le choix de recruter ces patientes de cette manière ? Pourquoi faire le choix d’une étude sur un seul centre hospitalier, dont la population ne sera représentative que pour la région de ce centre ? Bien qu’aucune règle ne puisse être généralisée à l’étude de publications, on peut toutefois noter qu’ :
Un faible échantillon et donc une faible puissance statistique déstabilisera l’interprétation des résultats,
Une méthode aléatoire de recrutement dite randomisée évitera les biais de sélection, mais qu'ils peuvent, malgré tout, survenir à l’insu même des investigateurs.
Enfin, cette section « matériels et méthodes » est souvent rédigée de manière très homogène avec en premier lieu une description des critères d’inclusion, de l’échantillon, puis les méthodes statistiques, la valeur significative du « p », et les aspects éthiques.
Il faut se méfier de cette homogénéité de rédaction, car à chaque sujet de recherche correspond une question de recherche, et à chaque question de recherche correspond une méthode idéale. Les méthodes statistiques ne devraient donc pas être toutes homogènes et il n’est donc pas nécessaire pour chaque question de recherche de produire un « p ». Par exemple, les analyses discriminantes ne produisent aucun « p », mais sont tout à fait adaptées à l’analyse de la variabilité anatomique.
Quels résultats ?
On ne peut pas contredire des résultats. Certains résultats peuvent surprendre, mais cette surprise doit être mise en lien avec les choix effectués dans la section « matériels et méthodes ». On peut aussi critiquer le manque de description dans les résultats, par exemple lorsque des moyennes sont calculées avec des groupes trop larges, où l’on souhaiterait avoir plus de détail sur les sous-groupes.
Discussion : A t-elle des faiblesses ?
Cette partie correspond à l’interprétation des résultats. L’interprétation peut avoir une part de subjectivité qui peut être « attaquable ». L’auteur(e) donne à ses résultats « bruts » une signification biologique. Il faut faire attention au raccourci de raisonnement. Lorsque l’on connaît bien le sujet et que l’on a une vision assez précise des publications dans le domaine de recherche de l’article, il peut être intéressant de constater l’absence de mention d’un article de référence, ou l’absence de mention d’un article contredisant les résultats de l’étude. Cela traduit un oubli, ou une volonté délibérée de l’auteur(e), correspondant dans tous les cas à une faiblesse à relever.
La conclusion
La conclusion reprend l’idée principale de l’article. Cette section est difficilement critiquable, hormis si l’on note un biais d’interprétation qui aura été de toute manière relevé dans la section discussion.
D'autres conseils ...
Relire plusieurs fois l’article jusqu’à sa totale compréhension, d’autant plus, lorsqu’il s’agit d’un article en anglais.
Se faire confiance, si vous ne comprenez pas bien, cela peut provenir d’une erreur méthodologique et pas forcément d’une absence d’habitude à lire des articles. Les auteur(e)s doivent aussi faire des efforts pédagogiques afin de rendre leurs explications compréhensibles au plus grand nombre.
Parcourir la section « conflit d’intérêts », celle-ci est le plus souvent obligatoire dans les revues pour énoncer les liens des auteur(e)s avec d’éventuelles entreprises privées, fonds privés ou publics, etc.
*Enseignant EU3M Enseignant sage-femme à l’école de maïeutique Marseille Méditerranée EU3M. Chercheur associé au laboratoire Anthropologie Biologique, Droit Ethique Santé UMR 7268.Faculté de médecine Nord, Boulevard Pierre Dramard, 13015 Marseille.