sage-femme en centre de santé de la Croix Rouge et au Mouvement Français pour le Planning Familial (Paris), Marina Salomé est aussi attachée de recherche clinique à l’Unité de Recherche Clinique Paris Centre. Ses choix professionnels, ses activités, elle témoigne.
Diplômée en juillet 2014
J’avais pressenti dès mes études que je n’aurais probablement pas un profil de sage-femme classique. J’ai tout de même décidé de postuler dans une maternité de niveau III, pour faire mes armes, pour découvrir la salle de naissances et le monde du travail à l’hôpital. J’ai rapidement compris que son ambiance et son organisation n’étaient pas faits pour moi ou bien peut-être était-ce le contraire ? ...
J’étais très angoissée à l’idée des responsabilités qui me semblaient extrêmement pesantes, et je ne supportais pas le travail à la chaîne qui nous était imposé : j’oubliais d’une garde à l’autre les enfants que j’avais aidés à naître et les couples que j’avais accompagnés.
En octobre 2014
j’ai donc décidé de quitter la maternité dans laquelle je travaillais, sans vraiment savoir ce que j’allais faire ensuite. Mon départ était prévu pour novembre, et je m’en suis confiée à une obstétricienne de la maternité que je connaissais bien car elle avait dirigé mon mémoire d’étudiante sage-femme. Lorsque je lui ai expliqué les raisons de mon départ, j’ai eu la chance qu’elle me propose de participer à un projet de recherche clinique pour lequel elle venait d’obtenir un financement : il s’agissait d’une étude observationnelle visant à évaluer les méthodes et les modalités de déclenchement de l’accouchement.
Cette étude allait être réalisée sur une période d’un mois, dans 94 maternités en France, et le budget prévoyait une personne pour assurer la coordination à mi-temps pendant deux ans. Elle souhaitait qu’une sage-femme occupe ce poste, car il était nécessaire que la personne en charge de cette étude ait des connaissances précises en obstétrique.
Cette proposition m’a tout de suite convenue car cela m’offrait la possibilité de découvrir un nouveau métier tout en continuant une activité clinique le reste du temps
J’ai effectué quelques vacations dans diverses maternités pendant quelques temps, et je travaille désormais 2 jours par semaine dans un centre de santé de la Croix Rouge et au Mouvement Français pour le Planning Familial. Mes activités y sont variées : consultations de gynécologie de prévention, contraception, suivi de grossesse et visites postnatales.
En janvier 2015, j’ai donc pris mes fonctions de sage-femme coordinatrice d’étude clinique à l’Unité de Recherche Clinique Paris Centre
Mon rôle consistait à identifier les personnes participant à l’étude MEDIP sur le déclenchement, à les former au protocole et à me déplacer dans les différents réseaux pour présenter l’étude. J’ai également participé à l’élaboration du protocole et des questionnaires utilisés.
J’ai effectué la plupart des demandes réglementaires, sous guidance de ma chef de projet, et j’ai donc appris à solliciter un Centre de Protection des Personnes, la CNIL ou bien le CCTIRS (Comité Consultatif sur le Traitement de l’Information en matière de Recherche dans le domaine de la Santé). J’ai énormément appris « sur le tas », grâce à l’aide de mes collègues et parce que j’étais très enthousiaste à l’idée d’avoir de nouvelles responsabilités, sous l’aile d’une médecin qui croyait en mes capacités et me faisait entièrement confiance.A la fin des inclusions qui ont duré un mois, entre novembre et décembre 2015, durant lequel j’étais le contact privilégié des investigateurs de chaque centre, le travail n’était pas terminé car j’ai dû gérer et coordonner tous les Techniciens d’Etude Clinique en charge de la saisie des données médicales qui nous permettraient ensuite les analyses statistiques et la publication de plusieurs articles.
Je me suis également chargée de contacter les patientes incluses dans l’étude par mail ou voie postale, car un questionnaire de satisfaction leur était proposé.
Au final, environ 3000 femmes ont été incluses dans cette étude et les résultats nous ont permis d’avoir une vision assez précise des modalités de déclenchement en France, en population. Cela permettra sans doute d’optimiser les pratiques et peut-être de les harmoniser dans certains réseaux ; ce type d’étude a donc un impact concret sur la prise de décision médicale et sur le quotidien des professionnels de santé. Plusieurs articles ont déjà été soumis à publication et d’autres sont en cours d’écriture à l’heure actuelle, ce qui est extrêmement gratifiant.Dans l’intervalle, la médecin avec qui je travaillais a obtenu un accord suite à une demande de PHRC (programme hospitalier de recherche clinique) inter-régional sur les efforts expulsifs. Elle m’a assez logiquement proposé de continuer à travailler avec elle sur cette étude. Cette fois, il s’agissait d’un essai randomisé et de nombreuses données devaient faire l’objet d’un « monitoring » : c’est à dire un retour dans les dossiers médicaux afin d’évaluer si les données recueillies dans le cadre de l’étude étaient exactes et fiables. Cette fois, cela dépassait largement mes compétences et il n’était plus question d’apprendre au fil de l’eau : j’ai donc effectué une formation d’Attachée de Recherche Clinique auprès d’un organisme privé, sur une période accélérée d’un mois. L’attaché de recherche clinique a pour rôle de s’assurer du bon déroulement des études et du respect de la réglementation. Dans mon cas, cela m’a apporté un bagage théorique essentiel pour mener à bien le nouvel essai randomisé dont j’étais responsable.
A la coordination de l’étude, sa mise en place dans les 14 centres participants, ainsi que la formation de toutes les sages-femmes investigatrices (car c’était elles qui incluaient les patientes dans l’étude), se sont donc ajoutées de nombreuses visites de monitoring dans les différents centres. Je me suis également assurée du bon déroulement de l’étude et de l’aide aux inclusions si besoin. J’ai aussi, comme pour MEDIP, participé à l’obtention de la plupart des démarches réglementaires.
Aujourd’hui, je travaille toujours dans ce Centre d’Investigation Clinique deux jours et demi par semaine, et j’ai conservé mon activité clinique
Ceci est un parfait équilibre car si mon travail de recherche est parfois légèrement rébarbatif (beaucoup d’administratif, un travail de bureau face à un ordinateur), j’y trouve tout à fait mon compte et je réalise à quel point les liens sont étroits entre recherche et pratique clinique, via l’amélioration des connaissances.
Ma casquette de sage-femme est tout à fait complémentaire du métier d’attachée de recherche clinique car cela m’apporte une légitimité auprès des différents acteurs dans chaque étude que je coordonne. Cela me permet également de consacrer aux femmes que je vois en consultation un temps de qualité, durant lequel je me sens psychiquement disponible.Il me semble que le champ de la recherche peut et va d’avantage être investi par les sages-femmes : ces dernières pourront être investigatrices de nouveaux projets de recherche et s’emparer d’un domaine qui leur est propre : la physiologie dans le domaine de la périnatalité.