Aux Pays-Bas, les femmes bénéficient d’un service postnatal particulier : elles sont accompagnées par une kraamzorg. Mais qui sont-elles et que font-elles ? Le point avec Delphine Petit, Kraamzorg française à Amsterdam.
Kraamzorg française à Amsterdam : Quel est votre parcours ?
Je suis kraamzorg depuis 2018. Avant je travaillais dans une banque à Paris. Pour des raisons familiales, je suis retournée à Amsterdam, là où j’ai passé toute mon adolescence. J’ai retrouvé le même travail, puisque c’était une mutation, mais je ne voulais pas poursuivre dans cette voie-là. Ma passion est d’aider les autres. J’ai alors décidé de m’orienter vers une profession pour soutenir les femmes expatriées qui venaient d’avoir un bébé. J’ai contacté des sages-femmes pour leur expliquer mon projet et elles m’ont permis de les suivre pendant 2 jours en cabinet et pour les accouchements à domicile et là j’ai découvert les kraamzorg. Une révélation ! Je me suis dit « mais qu’est-ce que ce métier incroyable ! » La sage-femme m’a dit « pourquoi ne fais-tu pas kraamzorg, on en a besoin et ici et il y a beaucoup de françaises ! ».
J’avais peur de reprendre les études à plus de 40 ans, mais les sages-femmes m’ont tellement encouragée que 2 mois plus tard je commençais la formation accélérée.
Quels sont les thèmes abordés de cette formation médicale ?
La formation s’étend à 3 ans après le bac. Pour ma part, j’ai suivi une formation accélérée très dense sur 1 an avec de la théorie et des stages. Les thèmes sont variés : médicaux, sur la psychologie, sur notre protection, apprendre à savoir dire non et à prendre les bonnes décisions. Il y a également une partie du métier où on aborde la famille, une expérience que j’avais déjà en étant mère de 4 enfants !
Une fois diplômées, quelles sont les différentes façons d’exercer ?
Il est possible de travailler dans des bureaux de naissance qui regroupent plusieurs kraamzorg. Les futures mamans s’y inscrivent et lorsqu’elles accouchent, elles préviennent le bureau de naissance qui leur envoie une kraamzorg.
Sinon, nous pouvons travailler en indépendante, c’est ce mode que j’ai choisi. J’ai d’ailleurs commencé mon exercice rapidement puisque je me suis occupée de la 1re famille, à peine 2 mois après mon diplôme.En travaillant en libéral, cela me permet de rencontrer la mère une fois pendant la grossesse. À cette occasion, je l’aide à organiser la maison, je la guide dans les achats de puériculture, je prends connaissance du mode d’allaitement souhaité et des antécédents médicaux. J’explique comment je vais les accompagner après l’accouchement et comment on va remplir le kraamveil, sorte de carnet de bord où sont notées les informations sur la mère et le nouveau-né.
Plongeons dans le vif du sujet, que font les kraamzorg ?
Les kraamzorg interviennent dans les 8 à 10 jours qui suivent la naissance pour s’occuper de la mère et l’enfant et s’assurer de leur bien-être.
En cas d’accouchement à domicile – aux Pays-Bas, ils représentent 13% des accouchements – on assiste la sage-femme. Généralement, elle m’appelle lorsque les efforts expulsifs débutent et j’ai 1h pour me rendre au domicile de la famille. Ensuite, la sage-femme surveille la mère et l’enfant pendant 2h après l’accouchement et je reste 2h de plus.
Au cours de ces 8 jours, quelles sont vos missions aux côtés des parents ?
J’interviens dès le 1er jour de l’accouchement. Ici, les femmes, si elles ne présentent pas de complications, elles sortent 4h à 6h après un accouchement voie basse quel que soit le moment de la journée.
S’il a eu lieu en pleine nuit, je laisse les parents se reposer et je leur rends visite vers 8h30 et j’y reste jusqu’à 15h, 17h.
Lors des 8 jours qui vont suivre la naissance, je vais assurer la surveillance de l’involution utérine, des saignements, du périnée en cas de déchirure ou d’épisiotomie, de la cicatrice de césarienne, prendre les constantes 2 fois par jour, je pèse le bébé et j’aide les parents pour le bain. En cas de césarienne, les femmes restent hospitalisées pendant 48h et c’est la sage-femme qui vérifie l’involution utérine.En restant sur une bonne partie de la journée, cela me permet d’évaluer le bien-être de la famille et la relation parents-bébé. Mon rôle est de les aider tout en restant à ma place, car les familles ont aussi besoin d’être dans leur bulle.
Dans la journée, les tâches sont variées, je veille à l’hygiène de la salle de bain et des toilettes quotidiennement, je prépare les repas, je m’assure que les parents mangent régulièrement et de façon équilibrée. Je fais les courses, si besoin, je fais en sorte que les parents dorment et puissent se retrouver.
Il y a aussi une grande partie qui est l’accompagnement à l’allaitement, j’informe les pères sur la montée de lait, le comportement du bébé, etc.Quand il y a des aînés, je m’occupe d’eux dans la mesure du possible d’eux, je les fais participer, je les aide à devenir grand frère, grande sœur.
Il y a tout un travail d’écoute et de psychologie. L’accouchement ne se passe pas toujours comme la mère l’avait espéré.Il arrive qu’il soit traumatique pour certaines. D’autres passent par une phase de baby blues – ici on l’appelle les « larmes de la maternité ». Quoi qu’il arrive, je suis là pour les écouter.Les kraamzorg sont aussi présentes dans le post-partum des femmes qui ont accouché d’un mort-né à partir de 24 SA- aux Pays-Bas, on parle de naissance silencieuse. On s’occupe des mères sur plusieurs jours (24h) et on les aide à préparer les obsèques.
C’est un métier incroyable en termes de bénéfices pour la mère, le bébé, le père, la famille tout entière !
Est-ce que toutes les femmes peuvent bénéficier de ce service ?
C’est un service qui est inclus dans l’assurance obligatoire des résidents des Pays-Bas. Ici, il n’y a pas de sécurité sociale. Toutes les femmes qui donnent naissance ont droit à une kraamzorg. C’est pour tout le monde pareil, pauvre, riche. Près de 98% des femmes font appel à une kraamzorg. Ainsi, la kraamzorg intervient 49 h dans la famille dans les 8 jours suivant la naissance. En cas de problèmes (allaitement compliqué, vulnérabilités psychologiques…) les services peuvent s’étendre jusqu’à 10 j et 80h et c’est la sage-femme qui valide. A contrario, si les parents ont déjà de l’aide, les heures de prestation seront moindres.
Et quelles sont les missions des sages-femmes ?
Avant la crise sanitaire, les sages-femmes intervenaient à J0, J4 et J7 de l’accouchement. Actuellement, elles font une consultation à J7 et je reste environ 1h pour parler avec la mère de l’accouchement, de contraception, du périnée…
Elles sont disponibles 24h sur 24h pour les familles et leskraamzorg si elles ont des inquiétudes vis-à-vis de la mère ou du bébé.Les sages-femmes sont vraiment centrées sur la préparation à la naissance, le suivi de grossesse, l’accouchement. D’ailleurs, aux Pays-Bas, lorsqu’une femme est enceinte, elle s’inscrit dans un cabinet de sages-femmes.
Sage-femme, Kraamzorg : Comment se passe cette collaboration ?
Nos missions respectives s’articulent bien, nous travaillons en équipe, il n’y a absolument pas de concurrence. Les kraamzorg sont les yeux et les oreilles de sages-femmes qui sont les responsables des femmes et des nouveau-nés. Notre collaboration leur permet de se concentrer davantage sur le suivi de grossesse, l’accouchement et de réaliser les visites postnatales tranquillement puisque la pesée du bébé, la surveillance de la mère et d’autres paramètres ont déjà étaient évalués.