La pré-éclampsie touche 1 à 2% des femmes en France, une pathologie potentiellement grave avec des complications maternelles et fœtales. Véronique Tessier*, sage-femme a intégré le comité scientifique de l’association « Grossesse santé contre la pré-éclampsie ». Elle nous en dit plus sur cette association, créée par des patientes, et sur les enjeux de cette pathologie gravidique.
Touchée par la gravité et parfois la rapidité d’évolution de la maladie au cours de mon expérience de sage-femme, je suis particulièrement sensible aux difficultés de parcours des femmes enceintes entre la ville et l’hôpital et plus spécifiquement lors des prises en charge des pathologies qu’elles soient obstétricales ou préexistantes. La patiente est une des meilleures garantes de la sécurité de sa prise en charge, mais il faut qu’elle soit informée de quand s’inquiéter à bon escient et à qui s’adresser pour ne pas perdre de temps ni de chance. C’est pourquoi je soutiens l’association de patientes Santé Grossesse contre la Pré-éclampsie. Enfin dans un comité scientifique, le regard de chaque acteur de la prise en charge concoure à la pertinence des conseils qui pourront être émis, une sage-femme y a donc sa place.
Les missions de l'association "Grossesse santé contre la pré-éclampsie"
Les missions de l'association sont à la fois d’informer les patientes sur la pathologie et de promouvoir les améliorations dans le parcours et la prise en charge des femmes présentant une pré-éclampsie.
Pour ma part, j’ai répondu très vite à la sollicitation pour le conseil scientifique. Il s’agit pour le moment de relecture des informations délivrées (site, flyers,…), de relayer l’actualité de l’association auprès de professionnels.
On peut trouver sur la page Facebook de Santé Grossesse contre la pré-éclampsie une vidéo pour expliquer les diffférentes atteintes de la pré-éclampsie aux patientes.
Les enjeux de cette pathologie gravidique
La vie de la mère et du fœtus peuvent être mises en jeu. On surveille l’apparition de l’aggravation et on ne sait pas « soigner » cette pathologie autrement qu’en faisant naitre le bébé. On essaye de gagner du temps pour atteindre un âge gestationnel de naissance le moins prématuré possible sans mettre en danger la mère.
C’est aussi une pathologie pourvoyeuse de retard de croissance intra-utérin et de pathologies cardio-vasculaires et rénales à long terme pour la mère.
C’est donc un thème de recherche important pour améliorer à terme la santé maternelle et des enfants.
Cliniquement, les enjeux sont d’identifier les 1ers signes de la pathologie, et les signes d’aggravation quand la pré-éclampsie est avérée, de mettre en place une surveillance pertinente et de réagir rapidement devant les complications.
Il faut donc informer les patientes, éviter les ruptures dans le suivi des grossesses ; proposer une surveillance suffisante sans être trop lourde dans la vie quotidienne et former les professionnels…
Le travail en réseau pour améliorer la prise en charge de la pathologie
Les sages-femmes connaissent la pathologie. Mais comme tout professionnel de santé, on ne connait pas toujours les modes d’exercice et l’organisation des autres secteurs. A mon sens, la principale difficulté réside dans le cloisonnement de notre système de santé entre la ville et l’hôpital, entre le secteur public, le secteur privé et la PMI, avec un manque de coopération entre les différents intervenants dans la prise en charge des grossesses. La situation progresse mais le chemin à parcourir est encore long. Toutes les professions qui prennent en charge les femmes enceintes doivent développer leur compréhension des difficultés de parcours de leurs patientes et leur apporter les clés pour un meilleur suivi.
Pour sensibiliser les professionnels à cette pathologie
Les sages-femmes sont sensibilisées à cette pathologie. Néanmoins, pour une prise en charge de qualité, il est nécessaire d’entrer dans le détail, par exemple prendre la tension aux femmes enceintes avec un brassard et non pas avec un bracelet dont aucun modèle n’est validé chez la femme enceinte et dont les mesures ne sont de ce fait pas fiables ; prendre le temps d’informer les patientes sur les signes qui doivent les amener à consulter…
Enfin, nous avons tous une obligation de formation et de Développement Professionnel Continu pour suivre l’état des connaissances. L’offre en la matière existe à travers des journées de formations, des congrès et des publications.
Les dernières avancées et connaissances scientifiques sur la pré-éclampsie
La surveillance à domicile de la tension artérielle par la patiente elle-même est désormais préconisée par les recommandations de la Société Française d'Hypertension Arterielle. Mais l’achat du tensiomètre n’est pas encore remboursé par l’Assurance Maladie. Comme avancée, on peut aussi imaginer que cette surveillance soit connectée et gérée avec l’aide des professionnels de santé.
En termes d'innovation et de nouvelles connaissances scientifiques, des chercheurs travaillent sur des biomarqueurs. Ils permettraient d’identifier en routine les femmes à risque de décompensation rapide de leur pré-éclampsie et ainsi optimiser leur prise en charge.
*Sage-femme à l’hôpital publique, avec des fonctions d’encadrement ou des fonctions transversales (évaluation, qualité, réseaux, chef de projet) depuis 1998. Expert-visiteur pour la Haute Autorité de Santé (HAS). Membre du comité d’expert sur la mortalité maternelle.