S’impliquer auprès des populations vulnérables, former les professionnels dans les pays à faibles revenus pour améliorer la santé des femmes,etc, les missions proposées par les organisations humanitaires sont étendues et variées.
Anne-Julie Rey, sage-femme, a entrepris un voyage au Cameroun pendant deux ans. elle partage avec nous cette expérience très positive et formatrice.
Pourquoi avez-vous décidé de partir en mission humanitaire ?
J’ai décidé de partir en mission de développement pour connaître un autre pays, une autre culture, tout en me permettant d'y habiter sur un laps de temps. Je voulais être en immersion et vivre au rythme de la population.
En quoi consistaient les missions ?
J’ai travaillé dans un hôpital, situé dans le sud-ouest du Cameroun. Je réalisais des consultations et j'étais également appelée pour les accouchements.
Les activités ne laissaient pas la place à l'ennui puisque j’organisais aussi des réunions avec des camerounaises pour leur expliquer le suivi de grossesse et pour les sensibiliser à la prévention des infections sexuellement transmissibles.
Ces missions permettaient aussi d’échanger sur nos pratiques avec les sages-femmes locales et de leur apporter de nouveaux éléments pour améliorer leurs prises en charge quotidiennes.
Je ne donnais pas de cours mais, lors des gardes, il y avait un petit temps de formation où j’expliquais, par exemple, le fonctionnement du monitoring, l’interprétation du rythme cardiaque fœtal…
Votre ressenti sur cette expérience ?
Grâce à cette mission, j’ai redécouvert un aspect de mon métier : le relationnel avec les patientes. Il est si précieux! En France, les choses sont différentes, je trouve qu’il y a une certaine distance émotionnelle...
Pour la pratique clinique, j’ai eu l’occasion de réaliser: un accouchement d'une gémellaire par voie basse, avec le 1er jumeau en présentation du siège et le 2e en présentation céphalique, quelques accouchements en présentation caudale, ainsi que des grandes extractions. Il n’y avait pas de gynécologue sur place, alors j’assumais mes décisions jusqu’au bout.
Le chirurgien était appelé pour les césariennes : il était à environ 15 minutes de l’hôpital mais le temps d’ouvrir le bloc et que l'équipe soit au complet,il fallait compter une heure…
Au final avez-vous vu beaucoup de complications médicales ?
Lors de ces deux années, deux femmes sont décédées, l’une d’une embolie amniotique, la seconde d’un œdème aigu du poumon, suite à une pré-éclampsie, elle n’avait pas pris son traitement antihypertenseur.
Globalement, les femmes du sud-ouest de l’Afrique vivaient dans des conditions assez correctes comparativement à d'autres villages, elles économisaient pour leur suivi de grossesse. Elles consultaient une à deux fois pendant leur grossesse, ce qui permettait d’avoir une idée du terme et de les supplémenter en fer.
Avec quelle association avez-vous décidé de partir ?
Je suis partie avec la Délégation Catholique pour la Coopération (DCC). J’ai apprécié cette association pour son sérieux : on est sûr d’être envoyé dans un établissement où l’on est utile.
Avant de partir, nous avons rencontré d'anciens volontaires. Si notre départ est validé, 10 jours de formation nous préparent à vivre à l’étranger, au choc culturel, on nous explique comment les étrangers sont perçus, ainsi que la situation géopolitique du pays afin de mieux s’intégrer.
Conseillez-vous aux sages-femmes de participer à ces missions ?
C’est une expérience enrichissante sur le plan personnel et professionnel que je conseille vivement aux sages-femmes. C’est intéressant de constater aussi que les accouchements se passent bien en l’absence de médicalisation.
Je trouve que c’est une bonne manière de développer ses qualités d’observation, d’apprendre à être attentive et à se donner du temps, on est si pressé chez nous... C’est également une bonne façon de relativiser!
© Anne-Julie Rey