Sandrine Vircondelet, sage-femme à l'Hôpital de La Ciotat (13) depuis plus de 20 ans, nous parle de son engagement en qualité de sage-femme réserviste sanitaire depuis quelques années et de sa passion pour son métier.
Depuis le début des années 2000, la France a connu plusieurs crises sanitaires (canicule chikungunya, grippe A H1N1, dengue...) qui ont généré des tensions majeures sur l’offre de soins. Parallèlement, de nombreuses situations sanitaires exceptionnelles à l’étranger, d’origine naturelle ou humaine, ont nécessité le soutien de la France (tsunami, tremblements de terre, Ébola…). Ces différents événements ont montré l’importance de pouvoir mobiliser et d'acheminer, de façon rapide, des professionnels volontaires, de tous métiers du monde de la santé, tels que celui des sages-femmes, préparés et équipés, pour apporter une expertise et un appui sanitaire en tout point sur le territoire national comme à l’étranger. C’est ce que la loi du 5 mars 2007 a prévu en créant la Réserve Sanitaire de l’Établissement de Préparation et de Réponse aux Urgences Sanitaires (Eprus).
Qu'est-ce qui a motivé votre envie de faire partie des sages-femmes réservistes ?
Je souhaitais sortir de mon confort personnel, professionnel et me bousculer dans mon rythme de vie un peu trop confortable et routinier !
Mariée jeune (21 ans), diplômée à 22 ans et ayant eu mes enfants rapidement, je me suis consacrée à ma vie de maman, de femme et je me suis investie professionnellement dans mon métier en ayant toujours en tête une volonté de m'engager. Aujourd'hui mes enfants sont grands (22, 19 et 16 ans), j'ai plus de 23 ans de métier et je me sens à même de m'investir dans une démarche qui va me demander de la disponibilité et de l'énergie : l'engagement en tant que sage-femme réserviste sanitaire.
En quoi consistent vos missions ?
Après avoir suivi en un an tout le cursus de formation "théorique" et l'exercice terrain, je suis partie en mission pour la première fois en avril 2016 en Guyane pour du renfort en obstétrique (mission de 3 semaines sur site) et j'ai effectué une seconde mission en juin dernier pour du renfort à Mayotte pour 3 semaines sur site.
En Guyane, j'ai été affectée en poste de renfort sur un centre de soins à Maripasoula, sur le fleuve du Maroni ,en Amazonie, dont l'accès se fait uniquement par petit avion depuis Cayenne ou par pirogue depuis St Laurent du Maroni. Mon travail consistait principalement à faire le suivi des grossesses, à organiser le transfert pour les patientes dont l'accouchement est en général prévu à Cayenne, ou à faire les accouchements inopinés des patientes du fleuve arrivant en pirogue à Maripasoula.
Une mission riche en dépaysement, en rencontre avec les différentes populations, avec la pratique du langage local le "Taki", mais aussi l'accueil très chaleureux des soignants. Un travail de renfort pendant la période Zika, qui nous faisait orienter les patientes porteuses du virus pour un suivi échographique plus poussé sur Cayenne.
A Mayotte, j'ai été affectée à l'hôpital périphérique de Dzaoudzi (sur "petite terre") en renfort sur un poste de sage-femme en fin de contrat, mais aussi pour permettre à nos collègues sages-femmes en poste à Mayotte de pouvoir récupérer leurs nombreuses heures liées à l'activité croissante des naissances. J'ai fait des gardes de 12h : salle d'accouchement, suites de couche, consultations en urgences, suivis de grossesse, organisation des transferts et accompagnement des patientes sur Mamoudzou quand cela était nécessaire. Un travail dans une structure où les sages-femmes sont efficaces et très autonomes, avec des protocoles très bien établis pour organiser des transferts et prendre en charge les patientes sur Mamoudzou. Une seconde mission également très enrichissante par rapport au site, aux différentes populations rencontrées avec la pratique du langage local le "Shimaore", et un accueil des soignants en poste toujours extrêmement chaleureux.
Sur le plan professionnel et personnel, que vous ont apporté vos différentes missions ?
Sur le plan personnel, mes missions m'ont apporté un enrichissement par rapport à la rencontre des différentes cultures, le dépaysement sur des sites merveilleux avec un voyage à chaque fois riche en aventure (pirogue, petit avion survolant la forêt amazonienne, barge...), des échanges en langage local (pas facile) et la rencontre avec des populations aux traditions propres à chacune.
Un échange aussi très intéressant avec les soignants de Métropole notamment en termes de motivation qui font le choix de s'impliquer durant 6 mois, 1 ou 2 ans sur ces différents départements français.
Sur le plan professionnel, cela m'a permis d'avoir un regard différent sur la prise en charge du travail et de l'accouchement à travers l'attitude des Bouéni (Mayotte) dont le comportement et le silence interpellent mais aussi à travers certaines traditions, comme donner systématiquement le placenta à la famille pour des rituels, et des naissances toujours aussi magiques !
Par ailleurs, le fait d'être en hôpital périphérique m'a permis d'être face à des naissances très eutociques et physiologiques, car dès qu'il y avait une grossesse pathologique nécessitant une prise en charge particulière ou un travail dystocique les patientes étaient transférées sur l'hôpital de Mamoudzou.
Selon vous quelles sont les principales qualités qu'une sage-femme doit avoir pour devenir réserviste ?
Avoir envie d'aller vers l'inconnu, vouloir donner du temps et de l'énergie sans vraiment compter, se sentir disponible pour s'investir pleinement dans une équipe soignante et s'adapter aux pratiques déjà mises en place, et avoir "une positive attitude", le sourire et la bonne humeur, ce qui est ma devise en général.
Quels sont les principaux conseils que vous souhaiteriez donner aux sages-femmes qui souhaitent s'engager dans cette démarche ?
N'hésitez pas, engagez-vous, faites vos démarches administratives et démarrez vos formations, l'aventure vous attend ! Les formations permettent de connaître le fonctionnement de la réserve sanitaire et des missions, de faire évoluer la réflexion et de confirmer ou pas le choix d'engagement.