Tignelle, de son pseudo, a 35 ans. Elle a découvert qu’elle était atteinte d’endométriose sévère après une errance médicale de presque 10 ans. Parcours sinueux, lourdes interventions, douleurs paralysantes…c’est avec l’écriture, un exutoire, qu’elle fait partager son expérience de patiente dans des chroniques illustrées.
J’ai rencontré Tignelle à l’occasion du congrès Endom’Aix qui s’est déroulé en mars dernier. Nous avons échangé et son histoire m’a touchée. C’est pourquoi j’ai souhaité écrire avec sa collaboration un article. Son témoignage, c’est une façon de sensibiliser les professionnels pour mieux connaître le quotidien des patientes qui cohabitent avec l’endométriose. Quant à ses chroniques « Les chroniques endométriques », elles méritent d’être connues, ludiques, elles sont une aide pour vulgariser les informations médicales autour de cette pathologie.
Quel est votre parcours médical?
Depuis mes premières règles, à l’âge de 14 ans, je souffrais de problèmes digestifs durant la « période délicate », je n’arrivais pas à marcher, je ne pouvais rien faire à part rester clouée sur mon canapé, car j’étais paralysée par la douleur.
Face à ce mal-être, je suis passée de gynécologue en gynécologue, sans qu’un seul ne suspecte ou ne diagnostique l’endométriose.
On m’a prescrit diverses pilules qui m’ont permis de vivre « sereinement » jusqu’à l’âge de 24 ans, avant que l’extrême douleur ne reprenne. De mois en mois, celle-ci empirait…
J’étais à l’époque assistante réalisation dans le milieu du cinéma à Paris, et malheureusement un jour, j’ai fait un grave malaise en plein tournage. C’est ce qui m’a poussée une énième fois vers un nouveau rendez-vous médical, vers une « nouvelle » gynécologue qui ENFIN a suspecté la maladie et m’a orientée vers un radiologue, spécialisé de la pathologie, apparemment complexe à déceler.
C’est après une demi-heure d’échographie et surtout un important ascenseur émotionnel avec un « non vous n’avez rien, mais je vais juste vérifier cette tache avec le grand ponte », de la part de son assistante, que j’ai su 5 minutes plus tard que j’étais déjà au stade 4 de la maladie. Cette tache était en fait la plus normale de tout le cliché…Après ce premier diagnostic, il a fallu avec mon mari (rencontré seulement 2 mois auparavant) faire un choix: celui de faire un enfant ou d’être mise en ménopause totale. Néanmoins, l’avertissement était clair : « Ma vie ne serait jamais plus la même et il y aurait grosse opération avant mes 40 ans en espérant que l’on puisse avoir des enfants avant ».
Avec le travail conséquent, la fatigue, le stress des tournages, mais aussi les conséquences de la ménopause nous avons quelques mois plus tard pris la décision de changer d’environnement pour des conditions de vie plus calmes et ensoleillées. Malheureusement, la vie ne fut pas aussi tranquille que nous l’aurions voulue…
Une petit chute à ski, une simple entorse du genou impossible à soigner : deux opérations, des opiacées à foison, des mois de rééducation ... et l' interrogation de tous les médecins sur cette difficulté à récupérer.
L'explication était liée à l'endométriose,deux ans auparavant, après une progression rapide de la maladie, le traitement induisant la ménopause artificielle avait causé une faiblesse au nouveau des articulations!Trois années perdues avec « en rattrapage », un parcours PMA pour essayer d’avoir enfin un enfant… Mais la maladie avait gagné en progression et cette première FIV fut non seulement un échec, mais surtout un traumatisme, avec une hyperstimulation ovarienne et une pleurésie…
En janvier 2017, après une deuxième FIV encore complexe, car empirant le terrain douloureux, nous avons opté pour la seule solution véritablement proposée pour moins souffrir: l’intervention chirurgicale. Six heures d’opération, une stomie, trois semaines d’hospitalisation…Une éradication totale des lésions et nodules.
Malheureusement, après une troisième série d’hormones pour tenter le plus rapidement possible une grossesse, les douleurs sont réapparues cinq mois plus tard…C’est donc depuis juillet dernier que deux semaines par mois je suis épuisée, et surtout paralysée par la douleur. Un terrain qui reste donc inflammatoire et qui pose la question délicate de savoir si je deviendrai maman ou non…
Qu’est-ce qui vous manqué dans ce parcours difficile ? Qu’avez-vous ressenti ?
Lorsque le verdict est enfin tombé, je pouvais mettre un mot sur mes maux. Néanmoins pour ce qui allait advenir, c’est une autre affaire…Après, il n’y a pas UNE, mais DES endométrioses! Et je dois dire que la mienne prend quand même beaucoup de place (rire)!
Plus sérieusement, je ne pensais pas un jour en souffrir autant. Ni devoir plusieurs fois changer d’orientation professionnelle car trop d’absentéismes. Ni subir la désapprobation et parfois les jugements faciles des gens en général. Je ne m’attendais pas non plus, à ce que les traitements hormonaux pour stopper l’évolution de la maladie (ménopause) puissent donner des effets secondaires aussi violents, ni à ce que la pathologie puisse être aussi invalidante dans la vie de tous les jours: marcher difficilement, souffrir du dos, avoir des insomnies, une fatigue chronique…
Dans ce vécu, il faut faire des choix, gérer la douleur, se documenter pour combiner avec les médecines alternatives... L’entourage familial, le soutien psychologique sont vraiment essentiels parce que la pathologie affecte vraiment tous les domaines.
Aujourd’hui, en tant que « chroniqueuse », ça me rend triste et furieuse de voir que des filles perdues nous contactent tous les jours pour obtenir des informations sur cette pathologie, alors qu’elles n’en trouvent pas dans le monde médical, ni dans les collèges, lycées, etc, par manque de sensibilisation et de formation!Même si à ce jour, nous pouvons être fières, car la maladie est en train petit à petit de sortir de l’ombre, nous continuons régulièrement d’entendre que pour toutes ces femmes: « C’est dans la tête », « Avoir mal c’est normal », « faut pas être douillettes »…
Et ces chroniques, comment sont-elles nées ?
L’idée des chroniques m’est venue sur mon lit d’hôpital. Avec mon chirurgien (Dr Pascal Mourtialon, de Provence Gynécologie), on a beaucoup discuté sur ce que les patientes pouvaient traverser, sur les différents parcours, mais surtout sur des moyens concrets et plus « artistiques » pour essayer d’informer avec humour!
Tout le travail des différentes associations comme EndoFrance, Mon Endométriose Ma Souffrance, Endomind, info-endométriose, Endogirls nutrit et les autres, reste essentiel pour la prise en charge de la pathologie, l’écoute, le soutien aux patientes et la sensibilisation. Nénamoins, nous nous sommes juste demandés comment mettre une petite pierre « originale » à l’édifice grâce à l’écriture et les images (monde d’où je viens) et sa supervision médicale.
Au départ, nous avons créé un personnage pour personnifier la maladie. C’était sa voix à elle de « pestouille » avec en filigrane mon témoignage.
Et puis le projet de ces chroniques illustrées a germé avec la création d’un « Doc Endo » en janvier dernier (1 an pile poil après mon opération). « Lui », il partage les infos des différentes associations, prodigue des conseils, aborde les médecines alternatives, etc. Il est une sorte de guide pour accompagner les femmes dans cette pathologie.Ce fut d’ailleurs le point de départ de la création d’un topo médical (85 000 vues et plus de 2400 partages sur les réseaux sociaux), mais surtout de fiches médicales concernant tous les examens médicaux à passer lors du parcours diagnostic ou suivi d’une patiente.
Une manière ludique de les amuser, de mettre les véritables « maux » à distance, mais aussi de casser ce fossé que l’on peut ressentir parfois avec le monde médical.
Des projets à venir ?
Reprendre la forme et sortir de mon canapé plus souvent! En tout cas, je me le souhaite! (rire).
Continuer évidemment à diffuser les chroniques médicales et pourquoi pas sur le terrain: dans les structures, collèges, lycées de ma région par exemple.Mais le prochain gros défi? Permettre à une équipe de techniciens de tourner un court-métrage sur le sujet!On a d’ailleurs créé une cagnotte sur Ulule pour récolter 4000 € afin que toutes les filles puissent participer à ce beau projet prévu fin d’année 2019.
Il sera diffusé de partout sur les réseaux, dans les colloques, les festivals de court-métrage, les écoles… Plusieurs partenaires nous soutiennent (ENDOmind, EndoFrance, Mon Endométriose Ma Souffrance métropole et Réunion, Endogirls nutrit, Endométriose Belgique,Endométriose Québec, S-Endo…) et des techniciens audiovisuels sont déjà investis sur le projet!
Des conseils à donner aux femmes atteintes d’endométriose ?
Garder le sourire et prendre conscience que parfois la maladie apporte son lot de souffrance… mais aussi une meilleure réflexion sur nous-mêmes, nos activités et notre vie en général. Paradoxalement, j’ai découvert aussi des femmes et hommes extraordinaires que je n’aurais sans doute pas rencontrés si je n’avais pas vécu toutes ces aventures…
Autre conseil, extérioriser, évidemment. Avec un soutien psychologique, ou par l’art ou le sport… Avec les chroniques, ce fut pour moi un bon vecteur au début. De l’art-thérapie… C’est important de pouvoir en parler et d’apprendre à mettre à distance ses difficultés afin de les contourner! Moi c’est ce que je continue de faire en écrivant, mais pour les autres cette fois-ci!