Mi-humain-e-s, mi-robots, sages-femmes et autres professionnels de santé ont subi une mutation : ce n’est pas génétique, mais informatique !
Le 21e siècle est l’ère de la productivité intensive, du stress, du burn-out… Le secteur médical n’est pas épargné. L’hôpital, malgré la signification de son étymologie latine « hospitale », n’est plus ce lieu accueillant faisant preuve l’hospitalité.
Aujourd’hui, il faut faire vite, très vite, pour s’occuper des patientes, être efficace, ne pas faire attendre, diminuer les durées de séjour, offrir des soins de qualité combinés à une charge administrative monumentale. Une autre source de stress et de surcharge de travail…
Là, je fais allusion aux dossiers informatisés. Vous recevez une patiente, vous êtes en face d’elle, enfin presque, puisqu’il y a cet écran d’ordinateur au milieu.Vous lui demandez son motif de consultation, ses antécédents… Vous êtes attentif-ve à ses réponses pour sa prise en charge et pour que son dossier soit rempli le mieux possible. Si elle est en travail, attention il faudra PARTAGER ce temps inextensible – la fameuse mutation ne nous a pas donné le don d’ubiquité (dommage) ! Puisqu’il faudra certainement accompagner d’autres femmes pour l’évènement de leur vie, la naissance de leur enfant, mais aussi pianoter avec vos doigts de fée sur le clavier d’ordinateur. Ceci, tout en répondant en éventuels coups de téléphone et aux requêtes des uns et des autres…
Mais quels soignants aiment passer du temps devant l’ordinateur, au détriment du temps passé « auprès » des patientes ?
Le dossier informatisé est-il vraiment un progrès ?
Dans le but de moderniser le système d’information hospitalier, le dossier patient informatisé est né en 2011. Les logiciels sont commercialisés et développés par un éditeur spécialisé mais pas pour un secteur particulier, comme l’obstétrique.
Alors, le bon vieux dossier papier doit-il passer à la poubelle sans regret ? Certaines, certains deviennent nostalgiques rien qu’en y pensant ! La réalité est tout autre que la vision standardisée de ces dossiers informatisés. D’ailleurs, des études se sont intéressées aux effets nuisibles de cette technologie.
Une publiée dans la revue Pediactrics, déjà en 2005 montrait une augmentation du taux de mortalité après mise en place d’un système informatisé de saisie d’ordonnances (6,57% vs 2,80%). D’autres ont rapporté qu’un défaut d’utilisabilité était préjudiciable pour les patients. Manquant d’ergonomie en conditions réelles, cette défaillance aurait causé un préjudice pour 18,8% des patients.
Fatigue oculaire, bugs ...
Ne disposer que d’un support informatique entraîne d’autres problématiques.
Selon Thierry Baccino (Professeur de psychologie cognitive des technologies numériques à l’université de Paris 8, directeur scientifique du laboratoire Lutin (CNRS-UMS 2809), la fatigue oculaire inhérente à la luminosité, au contraste, etc, de l’écran dégrade la prise d’informations. La mémoire spatiale du texte se trouve aussi détériorée. Sur papier, il est plus facile de se remémorer de l’endroit de l’information contrairement à l’écran où le texte numérique peut défiler de gauche à droite et de haut en bas, perturbant notre vision.
Ainsi, les écrans, dont les fonds ne sont pas totalement blancs, ne restitueraient que 40 à 45 % des informations comparativement au papier.
Sans compter les bugs informatiques, et les cyber attaques, comme celle qui a infecté 300 000 ordinateurs, dont le Service national de santé britannique en 2017…
Le retour en arrière ne sera plus possible alors …
Dans les années à venir, ces logiciels devraient s’améliorer puisqu’ils intègrent un des objectifs du plan « Ma santé 2022 ». En attendant, le travail sur ces logiciels en étroite collaboration avec les soignants sur le terrain, les chercheurs et les éditeurs de logiciels de dossier informatisé demeure indispensable. Et comme à l’étranger, constituer une base de données d’incidents indésirables pourrait contribuer à faire de cette technologie un outil efficace avec le moins de failles possible.
Génération numérique ou pas, l’adaptation concerne tout le monde. Mais finissons sur une note positive, grâce à l’informatisation, inutile de se déplacer, le dossier est à portée de (plusieurs) clics de souris !
Sources :
ActuaLitte
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