L’accouchement ne se passe pas toujours comme imaginé. Moment chargé d’émotions dans une période de grande vulnérabilité, un mauvais vécu d’accouchement peut virer au stress post-traumatique. Alors, comment mieux digérer cette épreuve et débuter cette nouvelle vie plus sereinement ?
Delphine Germain, sage-femme libérale spécialisée en hypnose et formatrice à Académie de Recherche et Connaissance en Hypnose Ericksonienne, Montfermeil, propose l’hypnose aux mères et elle nous explique pourquoi.
Quels sont les risques d'un mauvais vécu d'accouchement pour la mère et l'enfant ?
L’accouchement est un process physiologique, naturel que le corps des femmes sait faire. Tout comme notre corps sait respirer, il sait aussi accoucher. Mais on respire plusieurs fois par minute, alors que l’accouchement est un évènement exceptionnel, chargé d’affects, de peurs, de croyances transmises par la société, la famille, l’histoire de vie de chacune. Accoucher, c’est donner la vie, c’est aussi transformer notre rapport aux autres, au monde, à nous-mêmes en devenant mère. Les femmes enceintes, les femmes qui accouchent et les jeunes mères sont dans une période de transformation, d’adaptation qui s’accompagne d’une certaine fragilité psychique. Le vécu de l’accouchement dépend des conditions de l’accouchement, des éventuelles difficultés médicales rencontrées, de l’accompagnement émotionnel de la part des soignants et de l’entourage. Mais le plus important est le vécu subjectif de la femme qui accouche. Se sent-elle en sécurité ? Se sent-elle soutenue ? Se sent-elle compétente ? A-t-elle l’impression de subir la situation ou a-t-elle des possibilités d’action ? L’ensemble de ces paramètres peuvent influencer le vécu de l’accouchement.
Un mauvais vécu de l’accouchement peut avoir des conséquences graves pour la mère, son bébé et sa famille. On peut constater un risque plus important de baby blues, d’échecs de l’allaitement, de troubles dans la relation d’attachement (avec les risques psychologiques, affectifs et développementaux que cela peut impliquer pour le bébé), de syndrome de stress post-traumatique et de dépression postnatale.
Il y a aussi d’autres conséquences plus difficilement objectivables. Lorsque j’aborde le sujet du mauvais vécu de l’accouchement et ses conséquences, je recueille souvent des témoignages de femmes qui ont renoncé à une future grossesse, qui éprouvent des difficultés à retrouver une sexualité épanouie, ou encore qui ont mis plusieurs années avant de retrouver l’estime de soi.
D’autres femmes se confient également lors d’une grossesse suivante, lorsqu’elles font appel à l’hypnose pour « digérer » l’accouchement précédent mal vécu. Elles effectuent alors tout un chemin de résilience pour se réconcilier avec leur corps, « panser leurs blessures psychiques », pour pouvoir envisager que l’accouchement à venir puisse bien se passer et accueillir leur enfant plus sereinement.
Comment l’hypnose peut-elle aider les femmes pendant la grossesse et après l'accouchement ?
L’hypnose est une technique d’accompagnement permettant à la femme enceinte d’accéder à des états modifiés de conscience dans le cadre d’une relation de confiance. Grâce à l’hypnose, chaque future mère, chaque futur père peut évoluer dans différentes thématiques : le lien au bébé, la crise identitaire de la grossesse, la gestion des contractions, le baby blues, le rapport au corps, préparer un accouchement physiologique, la relation de couple…
L’hypnose nous met en mouvement, elle sollicite nos processus inconscients, elle module nos perceptions subjectives, ce qui permet de faire face à nos peurs nous permet d’avoir plus de possibilités d’action sur ce qui nous traverse, d’accepter nos émotions, de « digérer » des souvenirs difficiles, de traverser des étapes de vie, de moduler la douleur…d’une manière générale, l’hypnose aide les femmes à se sentir plus actives, « actrices » de leur grossesse et leur accouchement. D’après mon expérience de sage-femme et de praticienne en hypnose, l’hypnose favorise les accouchements physiologiques et améliore le vécu de l’accouchement même quand il y a des complications ou que des interventions médicales sont nécessaires.
L'hypnose, un moyen de prévenir un mauvais vécu d'accouchement
La pratique de l’hypnose pendant la grossesse permet à la femme enceinte de prendre conscience de ses capacités, d’activer ses ressources et si besoin, de travailler sur ses peurs. L’hypnose permet non seulement un accompagnement des évolutions de la femme pendant sa grossesse, mais aussi lui permet de se préparer à ce grand évènement qu’est la naissance de son bébé en gagnant en confiance et en sérénité. L’apprentissage de l’autohypnose lui donne des outils pratiques et efficaces pour moduler la perception des contractions, activer le relâchement musculaire, renforcer le sentiment de sécurité, de « faire équipe » avec son bébé. De nombreux outils hypnotiques peuvent être mobilisés, ce qui favorise un bon vécu de l’accouchement. La femme qui accouche découvre ses « super pouvoirs ». Un praticien ou une praticienne en hypnose expérimenté-e va pouvoir proposer un accompagnement adapté et utiliser les techniques qui correspondent le mieux à chaque personne. Chaque accompagnement en hypnose est unique parce que chaque personne est unique. Les outils utilisés peuvent s’appuyer sur la respiration, les suggestions, le développement de l’imaginaire, la focalisation de l’attention, les modifications de perceptions sensorielles, les changements des représentations, l’absorption dans un « ailleurs » pour mieux vivre le présent. Les propositions et les effets recherchés peuvent être très variés, et ont pour objectif principal de renforcer les capacités et le sentiment de compétence optimisant ainsi le bon vécu de la grossesse, de l’accouchement et du post-partum.
C’est un facteur de prévention primordial. Tout d’abord à un niveau individuel, pour que chaque femme ait la possibilité de vivre au mieux ce grand moment dans sa vie. Un vécu positif de l’accouchement a un impact favorable sur le vécu de la période postnatale, le vécu émotionnel et affectif de la femme accouchée, sur sa confiance dans ses capacités d’être mère, sur le démarrage de l’allaitement, sur la relation mère-bébé, et constitue une prévention contre la dépression postnatale. Ensuite, à un niveau collectif, on peut facilement imaginer que le fait de prendre soin des conditions de naissance de nos bébés a un impact favorable sur la société dans son ensemble.
Quand l'accouchement ne s'est pas déroulé comme imaginé : cas clinique
Cette question me rappelle l’histoire d’Axelle, qui est venue me voir lors de sa deuxième grossesse. Elle était terrorisée à l’idée d’accoucher. Elle me raconte son premier accouchement. D’après l’équipe médicale, ce premier accouchement s’était bien passé : Voie basse instrumentale, sous anesthésie péridurale, partie moyenne pour non progression de la présentation, naissance d’un garçon en bonne santé de 3400g. Mais pour Axelle, cela a été un cauchemar. Elle n‘a pas compris ce qu’il se passait, a eu l’impression de ne plus avoir la maîtrise ni de son corps, ni des évènements, elle a été traversée par la peur de mourir et la peur de perdre son bébé, et elle a ressenti une immense culpabilité de ne pas « savoir pousser » avec la crainte de mettre son bébé en danger.
Lorsqu’elle racontait son accouchement, l’émotion semblait tout aussi forte que celle ressentie la première fois. Elle était en grande détresse émotionnelle et elle faisait face à de fortes angoisses en pensant à l’accouchement à venir.
Nous avons fait plusieurs séances d’hypnose pendant lesquelles Axelle s’est « réconciliée » avec son premier accouchement et s’est départie de sa culpabilité vis-à-vis de son premier enfant. Elle en a ressenti un grand soulagement et a pu envisager sereinement l’arrivée de son deuxième bébé. Il se trouve que son deuxième enfant est né par césarienne en urgence dans des conditions médicales difficiles. Malgré cela, Axelle a bien vécu cette naissance. En effet, elle a pu utiliser les outils d’autohypnose qu’elle avait appris pendant la grossesse, ce qui lui a permis de se soulager et de se rassurer pendant et après la césarienne. Après l’accouchement, elle était sereine et épanouie et continuait à utiliser l’hypnose pour favoriser sa récupération.
Il est fréquent que les femmes qui ont mal vécu leur accouchement ne consultent qu’à l’occasion de la grossesse suivante, ce qui est déjà une très bonne chose comme on peut le constater avec l’histoire d’Axelle. Mais une meilleure information pourrait leur permettre d’être accompagnées et d’utiliser l’hypnose dès la période postnatale pour favoriser un mieux-être plus rapidement. Je dirai même que l’idéal est de permettre aux femmes d’utiliser l’hypnose avant, pendant et après leur accouchement pour optimiser le vécu de l’accouchement et les conditions de naissance et d’accueil des nouveau-nés.