Suite aux résultats édifiants de l’enquête Bien-être de l’Association nationale des étudiants sages-femmes (ANESF), nous avons rencontré sa présidente, Julie Kerbart. Elle nous fait part de ses réflexions et des projets de l’association pour améliorer le vécu de la formation des étudiants.
On connaissait déjà le mal-être des étudiants santé à travers d'autres enquêtes, mais les résultats de l'enquête Bien-être de l'ANESF sont davantage alarmants. Avez-vous été surprise ?
Oui, nous avons été surpris de l'ampleur du phénomène. Nous en étions conscients car nous le vivions en tant qu'étudiant.e mais voir que le constat est unanime sur le territoire était atterrant, mais en un sens rassurant : nous ne sommes pas seul.e.s à le vivre. Je pense que cela a déculpabilisé les étudiant.e.s : quand ça se passe mal, ça n'est pas nécessairement leur faute !
En effet, le mal-être n'est pas spécifique aux étudiant.e.s sages-femmes, mais les chiffres sont plus alarmants. Il y a des multiples causes à cela : les secteurs de la maternité, baignés d'affects, et de situations de vie plus ou moins simples, les organisations de nos écoles qui ne sont pas intégrées à l'université, et assez isolées. L'histoire de notre profession également.
L’organisation des études nuit à la santé, mais l’enquête met aussi en lumière la responsabilité des professionnels de santé, pensez-vous qu'ils ont en conscience ? Comment ont-ils « accueilli » cette donnée? Et les associations de sages-femmes ? Le CNOSF ?
Nous avons au final eu peu de retour de professionnels, ce qui est assez surprenant. Nos administrateurs et administratrices nous ont fait part de réactions diverses : une réaction immédiate, avec la volonté de faire changer les choses, ou alors et surtout une absence de discussion autour de cela, ou encore un déni des chiffres. Les professionnels contactent peu l'association.
J'espère seulement que l'enquête a permis d'ouvrir des discussions. Nous savons que tout cela va prendre du temps. Cependant, l’indifférence n'a pas sa place ici. Concernant les associations, seules l'ONSSF et l'ANSFL ont réagi publiquement. Pour l'Ordre, j'ai eu l'occasion de discuter avec les élu.e.s et je leur ai fait part de la nécessité pour les étudiant.e.s qu'il communique sur ces résultats. Nous attendons leur réponse.
Que pensez-vous de cette situation ?
Comme je l'ai dit, l'indifférence n'a pas sa place dans ce débat. Nous préférons susciter des réactions : qu'elles soient vives, c'est normal. Nous sommes prêts à nous déplacer, à appeler les écoles, les professionnels : nous pouvons endosser le rôle de médiateurs avec plaisir.
L'important est qu'une vraie réflexion émerge dans les écoles : que les professionnels et les étudiant.e.s échangent pour un changement durable. Les chiffres ont parlé, et sont scientifiquement avérés. Il est maintenant temps de se pencher sur les situations locales, et sur l'humain.
Maintenant que vous détenez des paramètres factuels, l’objectif est améliorer le vécu de la formation et surtout de ne pas décourager les futurs professionnels, quels sont vos plans d’action et les moyens pour y parvenir?
Nous ne souhaitons pas que seul.e.s les étudiant.e.s s'expriment sur le sujet. Les professionnel.le.s doivent aussi s'exprimer sur le bien-être des étudiant.e.s, et sur le leur, cela va de pair. Il ne faudrait pas penser que la question du bien-être étudiant doit être uniquement l'affaire des étudiant.e.s: cette question est intriquée dans le bien-être des sages-femmes en général, et celle des patientes également d'ailleurs.
Parallèlement à ces groupes de discussion, nous travaillons avec les organismes professionnels sur la question du maître de stage : nous souhaitons mettre en place un statut pour les professionnel.le.s encadrant.e.s. Ce statut permettra en premier lieu de définir une sorte de "cahier des charges" pour les professionnels souhaitant accompagner les étudiant.e.s. Ils seront également formés à la pédagogie, et un retour pourra être réalisé sur leur enseignement. Qui dit statut, dit aussi temps de travail dégagé et valorisé financièrement. J'en parle ici au futur, parce que nous croyons à sa mise en place, même si tout reste à construire.
A moyen terme, comment souhaiteriez-vous voir évoluer cette situation ?
A moyen terme, nous aimerions qu'au moins des groupes de travail soient initiés dans chaque école, avec des médiateurs. Que le maximum de personnes, tant chez les professionnels que chez les étudiant.e.s s'emparent de la question. Des initiatives heureuses émergeront des discussions et des rencontres.
Pourquoi avez-vous choisi le métier sage-femme et de vous impliquer au sein de l'ANESF?
Ma mère est sage-femme : j'ai été bercée pendant toute mon enfance par les histoires de femmes et d'enfants, mais aussi par le rythme des gardes, puis de l'activité libérale. J'ai su très tôt que je voulais travailler avec et pour les femmes. J'ai toujours été intéressée par les questions de maternité et de sexualité.
J'ai néanmoins mis du temps à choisir le métier de sage-femme, car au contact de ma mère, je savais que ça n'allait pas être facile, particulièrement au niveau de la reconnaissance de la profession, et dans les relations avec les professionnel.le.s de santé. Aujourd'hui, malgré de tout, je ne regrette pas un instant, et je suis fière d'avoir fait ce choix.Pour ce qui est de l'ANESF, je suis entrée dans l'association de l'école en deuxième année. J'ai été ensuite présidente de mon association locale. Par ce biais, j'ai pu administrer l'ANESF, et j'ai constaté combien il était salvateur de rencontrer des étudiant.e.s de la France entière, et tout le travail que faisait l'Association Nationale, pour améliorer nos conditions d'études. J'ai vu que cette association fédérative était aussi force de proposition pour améliorer durablement la situation des étudiant.e.s sages-femmes. Et après, c'est une histoire de rencontres, comme souvent…